Mes frères,
Le chapitre 4 de saint Jean présente deux attitudes contradictoires de Jésus : il demande à boire à la samaritaine et, un peu plus tard, il refuse la nourriture que lui proposent ses disciples car, dit-il « j’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas ». Et puis, explique-t-il, « ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre ».
En ces jours de confinement et de distanciation sociale pour lutter contre le COVID-19, où la plupart d’entre nous, pendant quelques jours, ne pourront pas recevoir la nourriture vitale pour notre foi qu’est l’eucharistie (cf. Jn 6,33), peut-être pouvons-nous nous souvenir que pour Jésus, cette nourriture vitale c’est Lui-même (cf. Jn 6,35) et qu’en ce qui le concerne, sa nourriture, c’est de faire la volonté de son Père (cf. Jn 4,34).
Il y a sans doute une grâce à recevoir à travers les renoncements qui nous sont imposés. Ne pas faire notre volonté propre, même en ce qui concerne notre comportement religieux, n’est-ce pas un exercice spirituel utile ? N’est-ce pas une occasion de nous abandonner davantage à la volonté du Père, de nous nourrir spirituellement de cet abandon, comme Jésus ?
L’Église enseigne que, lorsque des baptisés sont empêchés de communier sacramentellement pour une raison indépendante de leur volonté propre, le Seigneur leur donne la grâce d’être en communion avec l’Église dans le mystère eucharistique célébré (les prêtres célèbrent la messe en privé même et spécialement en ce moment, à toutes vos intentions). Cette communion de désir ou communion spirituelle « consiste dans un ardent désir de recevoir Jésus et dans un sentiment affectueux comme si on l’avait reçu » (Saint Thomas d’Aquin).
On peut demander au Seigneur cette union au Christ présent dans l’hostie, par exemple avec une prière simple : « Puisque je ne peux pas Te recevoir dans l’hostie Seigneur, je sais que Tu peux tout et que Tu te donnes à moi autrement. Mon cœur te désire, donne-moi d’être uni à Jésus-Christ dans son Église, pour Ta plus grande Gloire et pour le Salut du monde. Amen ».
Cette communion de désir peut également être un moyen de faire grandir notre goût de l’eucharistie. A travers la privation, nous pouvons réaliser davantage à quel point ce don que le Seigneur nous a faits est précieux pour nous. « Si tu savais le don de Dieu, dit Jésus à la samaritaine, si tu connaissais celui qui te demande à boire, c’est toi qui lui aurait demandé l’eau vive ! »
Nous pouvons avoir soif de Dieu, mais si Jésus demande à boire à la samaritaine, c’est sans doute pour nous faire comprendre que Dieu, plus encore, a soif de notre prière. Il veut nous faire connaître son amour. Il veut que nous connaissions son cœur pour vivre selon son amour.
La discussion qui suit, entre Jésus et la samaritaine, va précisément porter sur le lieu et la manière pour adorer Dieu et Jésus révèle l’immense désir de Dieu qui cherche des adorateurs, qui « l’adorent en esprit et en vérité » (cf. Jn 4,23). Avons-nous réalisé ce que signifie le fait que le Père cherche des adorateurs ?
Si l’épreuve inédite que nous traversons pouvait réveiller en nous cette connaissance du cœur de Dieu, pour qu’en nous abandonnant davantage à la volonté du Père, comme Jésus dont c’est la nourriture, nous participions nous aussi davantage aux œuvres du Père —qui consistent surtout à mettre davantage d’amour en toute chose, nous n’aurions pas rencontré les vagues du coronavirus en vain. Amen.
Homélie de Mgr Laurent Camiade
En ce temps d’abstinence eucharistique que nous vivons, notre évêque Mgr Laurent Camiade nous propose une homélie pour ce 3e Dimanche de Carême.